Sunday, September 27, 2009

Mille et un soleils 3/One Thousand Suns and One 3. Like a Flower


A ce moment, il se produisit une chose… Malheureusement, je ne peux m’en porter témoin véridique. Je l’aurais bien voulu, et peut-être même que, ma foi, j’aurais pu me permettre de mentir là-dessus. Après tout, même si je n’ai pas vu exactement dans quels détails la chose s’est produite – à cause de la vitesse phénoménale de l’événement – je peux tout de même dire que j’étais sur place, et si seulement j’avais prêté attention au bon moment… Donc je pourrais dire que j’ai tout vu, et celui qui me contesterait à cet égard trouverait à qui parler. Mais bon : à quoi cela servirait-il ? Le fait est que je n’ai pas vu la chose se produire au moment précis où elle se produisait, et le tout est donc pour moi comme un de ces numéros de prestidigitation dont on n’est jamais assez rapide et éveillé pour deviner le « truc » (sauf qu’ici, il n’y avait pas de « truc »).

Le fait est qu’en dépit de l’effroi que me donnait le spectacle du lézard géant, j’avais senti comme une autre présence derrière moi… Vous savez comme c’est, lorsqu’on est dans ces états d’alerte ! Et si c’était un autre monstre, qui sait… Donc, voilà, je me retournai subito presto, juste pour vérifier. Et là, je vis tous ces garçons du lac, les baigneurs, alignés là-haut, debout, tout nus, et nous observant en chuchotant entre eux. J’étais étonné du spectacle, et gardai un instant le regard fixé sur eux. Mais ne voilà-t-il pas qu’ils se mirent tous à applaudir et à faire des huées bruyantes et à gigoter – et quand je me retournai vers l’endroit où se trouvaient le crocodile et le garnement, eh bien, je ne vis plus que ce dernier en train d’échanger un regard des plus langoureux avec un oiseau rouge et bleu, qu’il tenait comme une fleur.

« Est-ce le croco ??? » m’exclamai-je, assez bêtement, je dois dire.

Sur quoi Soko déboula à mes côtés, qui se mit à me crier dessus avec une excitation vraiment excessive :

« Alors ? Alors ? Vous avez vu Nchoupa ? Vous l’avez vu ? »

« Comment ? », fis-je, lorsqu’il m’en laissa l’occasion : « C’est ce petit mec…

euh… bon lanceur de poids

et un peu magicien, apparemment, mais… là…. » (Je tâchai d’exprimer ma déception, sans tout à fait savoir quoi penser en fait.)

« Non ! Regardez ! Regardez ! », fit Soko avec impatience.


Then something happened… Unfortunately, I cannot claim that I am a truthful witness of that event. I very much wish I could, and well, I might be entitled to lie on the whole business. After all, even though I did not see in what exact details the thing occurred – due to the extraordinary speed of the event – I can still affirm that I was there, and if only I had looked on at the right moment… So, I might claim that I’d seen it all happening, and he who would dare contradict would soon find reasons to regret it. But what the trouble for? The fact is, I didn’t see it happening at the precise moment it happened, and the whole thing is therefore for me like those prestidigitation tricks that we are never sufficiently quick-minded and attentive to debunk (but there was nothing to debunk in that event anyway).

The fact is, in spite of the terror I was feeling before the giant lizard, I had felt something else behind me… You know how it is, when one is in those states of vigilance! And what if there was another monster, who knows…

So there, I looked back quick and fast, just to check. And there, I saw all the boys of the lake, the bathers, standing in line, stark naked and watching us while whispering amongst themselves. I was a bit taken by the show, and looked at them for a short while. Upon what, they started to clap, to jeer noisily, to push and shove – and when I turned my attentions back to where the crocodile and the brat stood, well, I saw nothing else but the brat, who was now exchanging a languid stare with a little red and blue bird, which he held in his hand as if it were a flower.

“Is that the croco???” I yelled, rather idiotically,

I must say.

And then here was Soko at my side, who started shouting at me with a rather unnecessary agitation:

“So! So ! Have you seen Nchupa ? Have you ?.

“What ?” said I, when he let me speak : “Is it that youngin… huh… a good weight thrower and a bit of a magician, it looks like, but… well…” (I was trying to express my disappointment, but didn’t know what to think in fact.)

“No! Look! Look !”, said Soko, impatiently.

Monday, September 21, 2009

Mille et un soleils 2/One Thousand Suns and One 2. Lézard Géant


Là-dessus, Soko (j’avais entendu une personne qui passait l’appeler ainsi) se redressa de tout son long et me demanda si j’étais d’accord.

« Que vous me montriez cette chose, être, entité ? Certainement, car de toute façon… »

Je me tus car il mit un doigt sur sa bouche et fit soudain une drôle de tête, comme s’il écoutait quelqu’un d’autre en train de lui parler. Tout concentré, tout ouïes. Je supposai que c’était sa manière histrionesque de refléchir, ou de paraître refléchir.

Mais j’entendis aussi, finalement, car un silence progressif s’installait, et ce bruit nouveau agissait comme une ombre qui couvrait un terrain jonché d’étincelantes particules. Je l’entendais mieux parce qu’il tuait tout autre bruit. Les garçons se turent un à un, et même les oiseaux, les insectes. Seul le lac respirait, comme la brise caressait son corps lustré.

Le nouveau était curieux, un bruit produit par quelque chose de lourd et de lent, oui, lourd, lent, mais aussi, puissant, si puissant que c’en était – terrifiant. Je n’avais pas vu ce qui faisait ce bruit sourd et lourd, mais je savais d’instinct que c’était quelque chose qui intimait respect et épouvante. Autour de nous, certains s’éloignaient lentement à reculons, et ceux qui ne bougeaient pas avaient pris l’immobilité de morceaux de bois mort.

Je sursautai. Venait de bondir devant moi un garçon qui dansait en tenant l’image sculptée d’un crocodile pourvu d’un majestueux phallus. C’était fort inattendu, et je ne pus m’empêcher d’éclater de rire. Soko se tourna vers moi, la bouche grand ouverte, tandis que la danse du garçon au crocodile devenait de plus en plus endiablée. Il lança la statuette de saurien bien haut dans le ciel.

Elle partit comme une vrille, et retomba très, très loin, vraiment très loin. Au beau milieu du lac en fait. Cela me coupa toute envie de rire. Voilà ce à quoi je pensai, naturellement, en seulement cinq secondes, et sans autant de mots : « Si cette statue est partie aussi haut et est retombée en produisant un aussi puissant éclaboussis au milieu du lac, c’est qu’il doit être bien lourd ; si un garçon d’apparence aussi frêle a pu le projeter aussi loin et aussi puissamment, c’est qu’il s’agit, ma foi, d’un démon ! »

Mais le garçon dévalait le chemin caillouteux de la berge, et sans penser à ce que je faisais, je le suivis. C’était tout à fait irrésistible. D’ailleurs personne ne pensa à me retenir. Puis je vis le garçon accroupi à côté d’une espèce de monticule vert et gris, dont le haut, cependant, se releva, dont le bas se mut lentement, avec ce bruit là, ce fameux bruit, et je reconnus un lézard gigantesque, un crocodile qui devait peser, par là, cinq tonnes au bas mot, et dont la gueule s’ouvrit démesurément, s’apprêtant selon toute vraisemblance à croquer d’une bouchée l’imprudent garnement qui était allé lui titiller les naseaux. J’étais fort pressé de voir cette horreur se produire. Tout bonnement : « s’il le bouffe, il ne pourra pas me bouffer ! » Voilà ce que je pensai, ne me sentant pas hors de portée, d’autant que mes

jambes s’étaient refroidies totalement.








After which Soko (someone passing by just called him that) stood up hovering and asked if it was okay.“Okay to show me that thing, being, entity? Well, yes, since at any rate..."

I stopped talking, because he put a finger on his lips and looked suddenly quite weird, as if someone was whispering weird things to him. Very focused and attentive. To me, that was perhaps his histrionic way of thinking, or at least of looking as if he was thinking.

But finally, I heard it, because silence was gradually settling, and that new noise was feeling like a shadow swallowing a field lit with bright little bits. I could hear it better because it was killing all other noise. The boys, one by one, fell silent, and even birds and bugs. Only the lake breathed, as the breeze stroke its lustrous body.

The new sound was strange, a noise made by something bulky and slow, yes, bulky, sluggish, but also great, so great that it was – chilling. I hadn’t seen what was making that subdued, heavy sound, but I instinctively knew it was something which commanded respect and scare. Around us, some were slowly stepping back, and those who did not move took on the freeze of dead wood.

I was startled. In came leaping a boy who danced while holding high the sculpted image of a crocodile endowed with a glorious phallus. That was so unexpected that I went into a loud laughter. Soko looked at me, gaping, while the dancing of the crocodile boy turned wilder and wilder. He threw the saurian figurine high upward. It went like a gimlet, and fell down spinning very, very far, really too far. In the middle of the lake in fact. That did it for my laughter. Here’s what I thought, obviously in five seconds, and without so many words : “if that statue’s gone so high and fell down with such a huge splash in the middle of the lake, then it’s quite heavy ; and if that frail juvenile managed to throw it so far and powerfully, then I’d bet he’s some kind of demon.”

But said juvenile was now running down the cobbled path to the low bank of the lake, and, without thinking, I followed him. Unstoppable impulse. No one thought of holding me back anyway. Then I saw the boy squatting next to some sort of low mound, all green and gray, which, however, lifted its upper part, and whose lower part moved, with that sound, and I recognized a giant lizard, a crocodile who could weigh, oh, easily five tons minimum, and whose mouth opened wide, getting clearly ready to chomp on the careless brat who went and picked his nose. I was rather keen on beholding the horrific event. Well, to put it fair and square: “if he eats him, he won’t eat me!”, that’s what I thought, seeing that I wasn’t far from a strike and my legs had grown cold completely.

Monday, September 14, 2009

Mille et un soleils 1/One Thousand Suns and One 1. Nchoupa


« Comment? Nooon? Vous

connaissez pas Nchoupa? »

Me parlait ainsi un échalas en blanc qui sentait le beurre de karité. On s’était vu au bord du lac. Le lac aux eaux si gonflées et lumineuses que parfois, on avait l’impression qu’il abritait le soleil – que ce que nous voyions dans le haut ciel était le reflet de l’astre aquatique qui nimbait son humide étendue de ces grands chatoiements. L’air était frais et clair, et les voix des garçons, entrelacées aux pépiements d’oiseaux aussi bavards, faisaient une musique joyeuse et rapide comme le ve

nt qui soufflait sur le lac. Et dans ces bruits, j’entendais souvent et toujours « Nchoupa ! » J’avais l’impression que même les oiseaux, en fait, n’arrêtaient pas : « Nchoupa --- chirrr --- Nchoupa --- chirrr… »

« Je vous assure », dis-je à l’échalas, le plus poliment du monde. « Je connais bien du monde dans bien de pays. Mais ce nom, Nchoupa, non, jamais je ne l’ai entendu. A vrai dire, je ne sais même pas ce qui s’appelle ainsi ? Est-ce une personne de sexe mâle, ou

de sexe femelle ? Est-ce une ville, un chien, un caillou ? »

L’échalas se gondola :

« Mais ! Mais les cailloux n’ont pas de nom ! »

Stupéfait par cette affirmation incongrue, je le regardai b

ien en face, et répondis (tout en gardant tout mon calme, comme vous pouvez vous y attendre) :

« Monsieur mon ami. Il y a des choses que je vous conterai bientôt, et vous jugerez par vous-même. En attendant, je vous demande tout simplement de répondre à ma question relative à Nchoupa. On dirait que c’est la divinité de ce lac, et je voudrais, si tel est le cas, lui rendre mes devoirs. Si ce n’est pas le cas, ma curiosité en serait d’autant plus fondée. »

« Oh ! » répondit l’échalas avec un franc sourire. « Je

vous montrerai Nchoupa. C’est encore mieux. »

“What the deuce? Well, okay, no, that I can’t believe, I mean that you don’t know him Nchupa? Nooo!”

There I was, listening to that elongated boy in white clothing who disseminated around him the scent of shea butter. We met on the bank of the lake. The lake with its powerful, glistening waters, which gave out the impression of holding the sun in hidden caves – so much so that what we were seeing high in the sky was in fact only a reflection of the watery star which suffused its humid expanses with immense glitters. The air was cool and clear, and the voices of boys, sprinkled with the songs of babbling birds – as babbling as them boys – was creating a kind of joyful and speedy music, very much akin to the breeze which was sweeping over the lake. And the noise that was thus turned out often and always reverberated with that “Nchupa!” I was under the impression that even the birds, in fact, were ceaselessly chirping “Nchupa --- chirrr--- Nchupa --- chirrr …”

“I assure you”, said I to the elongated lad, and this, most politely, “I know plenty of people in plenty of lands. But that name, Nchupa, it never hit my ears, no. Truth is, I can’t even imagine what bears that name. Is it a person, male or female? Or maybe a town, a dog, a pebble?

Lanky lad was smashed with laughter:

“How do you think a pebble got a name?”

Taken aback by the incongruity of his remark, I looked him right in the eye and retorted (while, as you may well suppose, keeping the utmost self-control):

“Dear my friend. There are things that I will shortly narrate to you, and then you will judge by yourself. Meanwhile, I quite simply ask you to respond to my question about Nchupa. One would think it is the divinity of this lake, and if so, then I would like to perform my duties. But if not, my curiosity is all the more justified.”

“Oh,” Elongated Lad uttered, grinning. “Let me show you Nchupa. That would be best!”

Thursday, September 10, 2009

The Wounded Warrior

Apparently, the health condition of Orokie is stabilising, and he is doing drawings again. He just sent me this one, "The Wounded Warrior":



In a hand written note accompanying the drawing, he is saying:

"Bonjour,
Help this wounded warrior to recover sight and health by passing on him sweet and positive vibrations,
Amen
"

He has gone to his homeland for a few months to rest and repair his health, and should get surgical operation in December in Europe.

***

La santé d'Orokie semble s'être stabilisée, et il a recommencé à dessiner. Il vient de m'envoyer ce dessin, intitulé "Le guerrier blessé", avec une note disant:

"Bonjour,
Aidez ce guerrier blessé à recouvrer vision et santé en lui passant de douces et positives vibrations,
Amen
"

Il est parti recharger ses batteries sur les bords du Lac Victoria, et devrait subir en décembre une opération en Europe.

Repair my spiritual engine: