Monday, October 19, 2009

Mille et un Soleil 4/One Thousand Sun and a Sun 4: Dancing




Regardant dans la direction qu’il m’indiquait, je vis… Mais d’abord je dois noter ceci, car c’est vraiment des plus curieux. Jusqu’à ce moment là, où je vis ce que je vis, je n’avais pas entendu cette musique chamarrée et polyrythmique qui, à présent, devenait presque le seul bruit que j’entendais. C’était comme si la musique avait été suscitée par le danseur. Une parfaite silhouette de garçon noir, de garçon africain, virevoltant avec élan et énergie, dans une de ces danses qui ressemblent aussi – dans l’exacte coordination des mouvements – à une gymnastique pleine de grâce.

« C’est la danse des trois jambes », dit Soko.

J’allais remarquer que c’était un nom absurde pour une danse aussi harmonieuse, lorsqu’il m’apparut clairement que le danseur semblait en effet user de trois jambes – et puis je compris que cette troisième jambe, ma foi, était, pour dire le tout, une fort belle jambe, et épiçait au mieux cette danse fantastique.

Mais au fur et à mesure qu’il dansait ainsi, le danseur s’éloignait, et avec lui, la merveilleuse musique qui nimbait ses pirouettes d’une si noble chaleur. Cette vision, véritablement, remplissait d’adoration, et on ne voulait pas qu’elle finît. On voudrait suivre le danseur sur cette piste mystérieuse où il glissait, mais, comme dans ses rêves de nuit chaude où l’on voudrait courir, mais où l’on a les pieds liés par on ne sait quels invisibles cordages, on reste pourtant sur place, immobile, effaré.

« Nchoupa… », murmurai-je.

C’était donc ça. Un être qu’on ne connait que par le bonheur dont il vous emplit, et dont on ressent soudain un besoin infini. Pas vraiment un dieu – il n’est pas question ici de terreur

et de majesté. Mais autour de moi, chacun souriait, tout semblait fun, et un des garçons alluma un boombax, qui émit une version assourdie de la musique que nous venions d’entendre. S’étreignant lui-même de contentement, il se mit à faire la danse des trois jambes avec un grand sourire.

Je me tournais vers Soko, et bien que me disant que je ne devais pas lui dire ce que je m’apprêtais à lui dire, je le lui dis quand même :

« Je veux rencontrer Nchoupa. »

Je m’attendais à tout, sauf à ce que Soko me répondit, avec un air calme et fatal :

« C’est donc toi ! »



Looking in the direction he indicated, I saw… But first I must point this out, for it is something most curious. Up to when I saw what I saw, I hadn’t heard that ornamental and polyrhythmic music which had now grown into the only sound that I could hear. It is as if the music were woven out of the steps of the dancer. The perfect figure of a black boy, of an African boy, twirling eagerly and vigorously, in one of those dances which – owing to the precise coordination of every move – look like some stylish piece of calisthenics.

“That’s the three-legs dance,” said Soko.

I was about to observe that the name was not too suitable for such an elegant dancing, when it clearly appeared to me that the dancer in fact seemed to use three legs – and I made out that the said third leg was, I own, a very pretty one, and it spiced up very well that splendid ballet.

But as he was dancing, the dancer was moving away, and with him, the wonderful music that showered his pirouettes with such noble warmth. The vision verily filled one with adulation, and one would beg for it never to end. One would love to follow the dancer on that mysterious floor where he glided forth, but, like in those dreams of a hot night in which one wants to run and yet one is tied up by invisible ropes, one stays put, inert, upset.

“Nchupa”, I whispered.

So here it was. Somebody you know only through the happiness with which he fills you, and for whom you feel an infinite need. Not really a god – there is no question here of terror and majesty. But around me, everyone was smiling, everything seemed fun, and one boy turned on a boombax, which let out a faded version of the music that we just heard. Embracing his own body in a fit of joy, he started to do the three-legs dance, grinning.

I turned to Soko, and, even as I was thinking that I shouldn’t say what I was about to say, I said it anyway.

“I wish to meet Nchupa.”

I expected everything, but not what Soko respo

nded, in a tone quiet and fatal:

“So that’s you !

2 comments:

Anonymous said...

Yes, Rahmane, very nice, please go ahead !

Anonymous said...

Un peu de rêve de temps en temps, ça fait plaisir.
Et on est sûr qu'Orokie se repose bien et qu'il reviendra bientôt avec des dessins qui inspirerons de belles histoires.