Monday, October 26, 2009

Mille et un Soleil 5/One Thousand Sun and a Sun 5: Bleu




Cette exclamation de Soko était pour le moins inattendue, et je n’étais pas sûr qu’elle s’adressait

à moi. Je regardai instinctivement autour de moi, mais il n’y avait personne à qui ces mots avaient pu s’adresser, et d’ailleurs tout le monde

me regardait à présent avec un air pensif qui semblait souligner que j’étais en cause.

« Veuillez vous expliquer – qu’ai-je fait ? », fis-je en me tournant de nouveau vers Soko, mais ce dernier ne semblait plus s’intéresser à moi. Il retirait ses vêtements. Son visage était calme, on dirait qu’il n’était plu

s Soko, il n’avait plus ce caractère vulgaire et impatientant, il était remplacé par un autre lui-même, qui me parut tout à fait séduisant et tout à fait intimidant. Néanmoins, je tâchais de ne pas me laisser faire.

« Dites donc ? Vous pensez que c’est le moment de prendre un bain ? » dis-je brusquement.

En réponse de quoi, Soko :

« Tu vas entrer dans le monde bleu, et suivre le nocher branchu. »

Et avant que j’ai pu faire les remarques qui s’imposaient devant ce charabia, Soko fit un signe de ses doigts, comme pour tracer un quadrilatère, et une fenêtre bleue apparut soudain sous ses yeux, un beau carré si intensément bleu que tout autour l’air lui-même parut se fondre dans l’ocre de la terre, et tirer vers un brun uni. Soko regarda intensément cette fenêtre, sans mon étonnement, mais avec une attente très vive dans son corps vibrant. La fenêtre s’élargit soudain, et dans le temps d’un sou

ffle, tout, absolument tout devint bleu autour de nous, et Soko s’agitait à faire des bizarres manipulations avec un bizarre instrument qui, en y regardant de près s’avéra être l’antique quantificateur – l’abaque. Les doigts agiles de Soko coururent sur les billes avec une prestesse singulière… Et soudain je me rendis compte que ce garçon, en fin de compte, n’était vraiment pas Soko. En fait, c’était celui-là même, le garnement qui semblait avoir transformé un reptile monstrueux en colibri. Comme je ne me retenais jamais de poser des questions, bien que personne ne parût juger nécessaire de me répondre, je demandai au garnement ce qu’il avait fait de Soko. Je ne pense pas qu’il m’ait entendu. Il disposait à présent des grands livres noirs sur le vide bleu, les ouvrit, et se mit à les feuilleter, cherchant manifestement une page en particulier. Il étala soudain les deux livres grand ouverts, et de l’un d’entre eux surgit avec un bruit de papier crissant une grande et longue chose creuse, une pirogue couleur d’eau de source, arborant un joyeux petit fanion – tandis

que de l’autre bouquin s’éleva, avec le même bruit, un être bleu au dos hérissée de branches festonnées d’écriteaux, de buissons de gribouillis.

Le garnement éclata de rire, et soudain, il ne fut plus là. Le nocher branchu se tint débout devant moi, immobile, dans la pirogue, les mains croisées par derrière, sous les magnifiques lobes de ses fesses. Je compris l’invitation. Je montais dans la pirogue,et me sentis aussi devenir tout bleu...


That exclamation from Soko was rather unexpected, and I wasn’t sure it was directed at me. I instinctively looked around, but there

was no one to whom these words would have been directed, and for that matter, everyon

e now was eyeing me in a pensive stare, which seemed to stress that I was the interesting object here.

“Would you explain

– what have I done?” I said, turning again to Soko, but the latter did no longer look interested in me. He was undressing. His face was calm, he didn’t look like he was Soko, he had lost the vulgar and the irritating in his cha

racter, he was replaced by another of his selves, who was truly seductive and quite intimidating. Regardless, I didn’t want him to get the best of me.

“Say sir, you think this is time for bathing?”, said I roughly.

Soko’s reply was this:

“You’re going to enter the Blue Universe, and follow

the branch-adorned boatman.”

And before I could make any observations that such gobbledygook deserved, Soko waived his fingers, as if drawing a four-sided figure, and a blue window suddenly materialized under his gaze, a square so intensely blue that all around the air itself seemed to blend into the ochre of the earth, and to turn into solid brown. Soko stared fixedly at the window, without my puzzlement, but with some lively anticipation permeating his excited body. Then all of sudden the window widened, and, in a whiff, everything became totally cerulean around us, and Soko was now busy performing bizarre manipulations with a bizarre device, which, after closer look, turned out to be the ancient quantifier – the abacus. Soko’s nimble fingers ran over the little balls with an outlandish quickness… And that’s where I realized that this was not in fact Soko, not really. This was that same little rascal who appeared to have transmogrified a mammoth reptile into a humming-bird. Since I had developed the habit of asking questions which no one ever thought worthwhile to answer, I asked that scallywag what he had done to Soko. I don’t think he heard me. He was now putting up large black books against the blue void, opened them, and browsed through them, evidently in quest of a certain page. Then he spread them wide open, and from one of them a big, long, hollow thing, a spring-water-colored dugout sporting a gay little pennant, emerged, in a crisp hiss of paper – and from the other, with the same sound, a blue being with his back bristling with branches scalloped with notices, thickets of scribbling.

The little rascal laughed, and suddenly, was gone. The branch-adorned boatman stood up in front of me, motionless, the hands crossed in his back, under the alluring bowl of his buttocks. I got the word. I climbed into the dugout, and felt I was turning all indigo, me too…

Monday, October 19, 2009

Mille et un Soleil 4/One Thousand Sun and a Sun 4: Dancing




Regardant dans la direction qu’il m’indiquait, je vis… Mais d’abord je dois noter ceci, car c’est vraiment des plus curieux. Jusqu’à ce moment là, où je vis ce que je vis, je n’avais pas entendu cette musique chamarrée et polyrythmique qui, à présent, devenait presque le seul bruit que j’entendais. C’était comme si la musique avait été suscitée par le danseur. Une parfaite silhouette de garçon noir, de garçon africain, virevoltant avec élan et énergie, dans une de ces danses qui ressemblent aussi – dans l’exacte coordination des mouvements – à une gymnastique pleine de grâce.

« C’est la danse des trois jambes », dit Soko.

J’allais remarquer que c’était un nom absurde pour une danse aussi harmonieuse, lorsqu’il m’apparut clairement que le danseur semblait en effet user de trois jambes – et puis je compris que cette troisième jambe, ma foi, était, pour dire le tout, une fort belle jambe, et épiçait au mieux cette danse fantastique.

Mais au fur et à mesure qu’il dansait ainsi, le danseur s’éloignait, et avec lui, la merveilleuse musique qui nimbait ses pirouettes d’une si noble chaleur. Cette vision, véritablement, remplissait d’adoration, et on ne voulait pas qu’elle finît. On voudrait suivre le danseur sur cette piste mystérieuse où il glissait, mais, comme dans ses rêves de nuit chaude où l’on voudrait courir, mais où l’on a les pieds liés par on ne sait quels invisibles cordages, on reste pourtant sur place, immobile, effaré.

« Nchoupa… », murmurai-je.

C’était donc ça. Un être qu’on ne connait que par le bonheur dont il vous emplit, et dont on ressent soudain un besoin infini. Pas vraiment un dieu – il n’est pas question ici de terreur

et de majesté. Mais autour de moi, chacun souriait, tout semblait fun, et un des garçons alluma un boombax, qui émit une version assourdie de la musique que nous venions d’entendre. S’étreignant lui-même de contentement, il se mit à faire la danse des trois jambes avec un grand sourire.

Je me tournais vers Soko, et bien que me disant que je ne devais pas lui dire ce que je m’apprêtais à lui dire, je le lui dis quand même :

« Je veux rencontrer Nchoupa. »

Je m’attendais à tout, sauf à ce que Soko me répondit, avec un air calme et fatal :

« C’est donc toi ! »



Looking in the direction he indicated, I saw… But first I must point this out, for it is something most curious. Up to when I saw what I saw, I hadn’t heard that ornamental and polyrhythmic music which had now grown into the only sound that I could hear. It is as if the music were woven out of the steps of the dancer. The perfect figure of a black boy, of an African boy, twirling eagerly and vigorously, in one of those dances which – owing to the precise coordination of every move – look like some stylish piece of calisthenics.

“That’s the three-legs dance,” said Soko.

I was about to observe that the name was not too suitable for such an elegant dancing, when it clearly appeared to me that the dancer in fact seemed to use three legs – and I made out that the said third leg was, I own, a very pretty one, and it spiced up very well that splendid ballet.

But as he was dancing, the dancer was moving away, and with him, the wonderful music that showered his pirouettes with such noble warmth. The vision verily filled one with adulation, and one would beg for it never to end. One would love to follow the dancer on that mysterious floor where he glided forth, but, like in those dreams of a hot night in which one wants to run and yet one is tied up by invisible ropes, one stays put, inert, upset.

“Nchupa”, I whispered.

So here it was. Somebody you know only through the happiness with which he fills you, and for whom you feel an infinite need. Not really a god – there is no question here of terror and majesty. But around me, everyone was smiling, everything seemed fun, and one boy turned on a boombax, which let out a faded version of the music that we just heard. Embracing his own body in a fit of joy, he started to do the three-legs dance, grinning.

I turned to Soko, and, even as I was thinking that I shouldn’t say what I was about to say, I said it anyway.

“I wish to meet Nchupa.”

I expected everything, but not what Soko respo

nded, in a tone quiet and fatal:

“So that’s you !

Saturday, October 03, 2009

Interruption

I am travelling until Oct. 13, and thought I had brought with me my Orokie folder, the inspiration for the Alif Shams wal Shams. But it isn't in my drive. So there is a two-week interruption in the story. I will try compensating with something else in-between. My apologies.